22/06/2013
Va, je ne te hais point («Le Cid», III, 4)
Les nouvelles de la santé de Nelson Mandela, à la minute où j’écris ces quelques lignes, ne sont pas rassurantes, ce serait ridicule de le prétendre, mais ne sont pas immédiatement alarmantes. Le vieux lutteur fait une fois de plus la preuve de sa pugnacité. Hélas, son combat l’oppose désormais, à une adversaire réputée invincible. Alors, si, en Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui disparaît, que pourra-t-on dire à l’heure de sa disparition probable, sinon prochaine?
Pour «Somme toute», j’avais rencontré, au courant du mois d’octobre, Jacques Moreillon, ancien directeur général du CICR, qui avait plusieurs fois rendu visite à Nelson Mandela dans sa prison de Robben Island. Il nous avait confié alors que le trait de la personnalité de Mandela qui l’avait peut-être le plus impressionné, c’était son absence totale de haine envers ses adversaires. Cette attitude admirable est rarissime, car ce qui devrait pourtant constituer l’évidente différence entre le militant de base et tout homme d’Etat qui se respecte, ne constitue pas la vertu cardinale de tous les dirigeants.
En tout cas, c’est ce qui permit à l’Afrique du Sud d’échapper, jusqu’à présent, au bain de sang généralisé. Mais, l’équilibre est fragile, et l’on peut nourrir quelques soucis pour l’après- Mandela, la haine couve peut-être toujours sous la cendre. Nul n’a notamment oublié les déclarations tonitruantes de celle qui fut son épouse pendant trente-huit ans, Winnie Madikizela Mandela («Un Boer, une balle» ou «avec nos boîtes d’allumettes et nos pneus enflammés, nous libérerons ce pays»). L’avenir est sombre… Le génie politique et la hauteur de vue ne sont ni héréditaires, ni sexuellement transmissibles.
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18/05/2013
Sombre dimanche…
Quand, ce 6 décembre 1992, Jean-Pascal Delamuraz, d’une voix sépulcrale, nous signifia officiellement le résultat de la votation, on comprit parfaitement qu’on avait fait une grosse bêtise. Enfin, quand je dis «on», pas nous, bien sûr, mais les vieux, les ruraux, les analphabètes, les réacs… les Suisses allemands, quoi… Notre vote n’avait pas suffi. Le grand défaut de la démocratie éclate au grand jour quand la majorité a tort, c’est-à-dire d’un avis contraire au nôtre. Et on nous annonça que nous allions entrer dans une période de cataclysmes et de disette, que, bientôt ostracisés par nos voisins, l’asphyxie économique nous guettait, sans compter qu’une guerre civile, à côté de laquelle celle du Sonderbund n’avait été qu’une aimable joute amicale, ne manquerait pas d’éclater. Pour «Somme toute», un des plus fins observateurs de la politique fédérale, notre estimé confrère du «Matin Dimanche» Daniel S. Miéville, revient sur ce dimanche noir, auquel il a d’ailleurs consacré un ouvrage qui vient de paraître aux Presses polytechniques et universitaires romandes.
Vingt et un ans plus tard, on constate bien sûr que les relations avec l’UE sont difficiles, mais qu’on a évité la guerre civile. Si la votation était à refaire, l’embêtant, c’est que, selon toute vraisemblance, le résultat serait le même, mais beaucoup plus net. Pis, si on l’organisait parmi les pays membres de l’UE, beaucoup répondraient de la même façon. Preuve, sans doute, que l’Europe est une idée difficile, «qu’il ne suffit pas de sauter sur sa chaise et crier comme un cabri: l’Europe, l’Europe…», comme disait le Général, et «qu’il faut laisser du temps au temps», comme disait Mitterrand. Somme toute…
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